Un lieu, une histoire
Situé à un carrefour stratégique, le site fut occupé dès la préhistoire. Plus tard, aux temps troublés des invasions, il devient une place forte. Il ne reste rien de l’antique oppidum, lieu de refuge public ; pas davantage du château du 11e siècle et très peu de celui du 13e siècle qui a perdu petit à petit sa fonction défensive, même si la puissante famille des Adhémar de Monteil, maîtresse des lieux depuis 1239, en renforce les défenses. Mais au 15e siècle, on abat les crénelages du donjon. Les temps sont plus sûrs et la place forte se transforme en château d’apparat.
C’est un peu plus tard, à l’époque de Gaucher Adhémar puis de son fils Louis, que Grignan connaît son apogée. Gaucher, époux de Diane de Montfort, issue du royaume de Naples, est un personnage fort important qui cumule les titres de baron, de duc et de comte. Son fils Louis, ami intime de François 1er qu'il recevra d’ailleurs au château en 1533, est plus puissant encore. Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, ambassadeur de la Diète de Worms, gouverneur de Provence, il est aussi lieutenant-général du roi au gouvernement du Lyonnais, du Forez et du Beaujolais. Il lui faut donc une demeure à la hauteur de son prestige.
A la mort de Louis en novembre 1558, ses titres et possessions échoient à la famille de Castellane, elle aussi extrêmement prestigieuse puisque François de Castellane-Ornano Adhémar de Monteil de Grignan fut durant un quart de siècle lieutenant général de Provence, représentant de Louis XIV et à ce titre un véritable « vice-roi ». En 1669, en troisièmes noces, il épouse Françoise-Marguerite, fille de la marquise de Sévigné dont les lettres rendront le lieu célèbre. Une véritable cour s’y tient alors, on mène très grand train. Un peu trop sans doute, puisqu’à la mort de François de Grignan en 1714 la famille est en faillite.
C’est le début de la décadence. Les terres et le château passent de main en main : celles de Pauline de Simiane, fille du comte, celles de Jean-Baptiste de Félix du Muy en 1732, celles du baron de Saint-Mesmes. La Révolution éclate alors. Son propriétaire ayant été dénoncé à tort comme émigré, le château voit son mobilier et ses œuvres d’art pillés ou vendus. En 1794 la façade sud est détruite. Le monument, alors même que les premiers visiteurs, lecteurs de Madame de Sévigné, s’y rendent en pèlerinage, est en ruine.
Les lieux sont à l’abandon jusqu’en 1838, année où un citoyen aisé de Grignan, Léopold Faure, rachète l’édifice. Il entreprend de réparer, consolider ce qu’il peut des murs et de la toiture, tout en rachetant ici ou là le mobilier qui avait été dispersé. Ce sursis n’est que de courte durée. A sa mort, Boni de Castellane, un dandy célèbre, lui succède, mais c’est pour dilapider à nouveau le patrimoine en partie reconstitué. En fait, il faudra attendre le début du 20e siècle pour assister à la résurrection du château.
Marie Fontaine, riche veuve d’un commissaire de marine, acquiert le château en 1912 et se lance dans un gigantesque chantier de rénovation et de reconstruction. Elle s’entoure de conseillers avisés, d’artisans et d’artistes de qualité. C’est à cette initiative providentielle que l’on doit le château tel qu’il est aujourd’hui.
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